Irano Nox by Marc Kravetz

Irano Nox by Marc Kravetz

Auteur:Marc Kravetz
La langue: eng
Format: epub
Publié: 2019-05-06T16:00:00+00:00


Cette fois je ne m'absentai d'Iran que deux mois. J'y revins en novembre après la prise des otages américains.

L'ex-avenue Takhte-Djamchid, rebaptisée Taleghani du nom de l'ayatollah de Téhéran disparu, drainait chaque jour d'interminables pèlerinages qui allaient battre les portes cadenassées du « nid d'espions ». Derrière les grilles, les mystérieux « étudiants islamiques fidèles à la ligne de l'Islam » gardaient soixante, quatre-vingts, nul ne semblait pouvoir donner un chiffre exact, fonctionnaires et diplomates américains.

Sanctuaire consacré, rendez-vous obligé de tout ce que Téhéran comptait de comités, de milices, de groupes, organisations et groupuscules, l'ambassade des États-Unis était devenue en quelques semaines un haut lieu patriotique en même temps qu'un immense bazar révolutionnaire et profane.

Après les durs affrontements de l'été, marxistes et islamiques faisaient à nouveau bon ménage. L'avenue Taleghani n'était pas loin de ressembler au boulevard Saint-Michel de Mai 68. Des Fedayin marxistes-léninistes aux rassemblements ultra-intégristes, en passant par les Modjahedin islamo-gauchistes, les communistes moscoutaires du Toudeh, les Fadaïn-e-Eslam de Khalkhali et les bandes d'hezbollahi serrées autour de mollâs vitupérant, tout le monde semblait communier dans la « ligne de l'imam », résumée en un slogan vengeur : « Marg bar Amrica », mort à l'Amérique.

Autour des multiples étals proposant toutes les gammes de la littérature militante, les petits marchands de betteraves bouillies et de fèves cuites dans leur jus avaient installé leurs chaudrons. Le long du mur de l'ambassade tapissé de calicots révolutionnaires où les étudiants avaient affiché les centaines de photos des « martyrs» de la Savak, le petit commerce avait dressé des échoppes de vêtements fabriqués en Corée du Sud.

Comme mes quatre cents confrères venus du monde entier, j'effectuais mon tour quotidien à l'ambassade en quête d'improbables nouvelles. Les « étudiants » qui occupaient le « nid d'espions » avaient délégué quelques militants pour s'occuper des journalistes. L'un d'eux m'avait pris en amitié.

Il s'appelait Abbas et s'était fait une réputation dans le monde médiatique international en apostrophant dans un excellent anglais un certain George Hansen, sénateur américain de l'Idaho qui, premier d'une longue série, avait fait à ses frais le voyage Washington-Téhéran pour résoudre la question des otages.

« Je lui ai demandé pourquoi il était venu, me raconta Abbas. Et tu sais ce qu'il m'a répondu ? C'est incroyable ! Il m'a dit : "Parce que je suis très inquiet, comme tout le peuple américain, du sort réservé aux otages." Il m'a dit ça. Je te jure. Devant toutes les télévisions du monde braquées sur nous. Non, mais tu t'imagines, ce M. Hansen qui ne connaît rien à l'Iran, on lui demande ce qui l'intéresse ici et il répond : "Les otages." Ce qu'ont fait les Américains en Iran pendant vingt-cinq ans n'intéresse pas M. Hansen. Des milliers de gens sont morts pour la révolution, mais M. Hansen ne veut pas savoir pourquoi. M. Hansen se soucie de cinquante Américains mais pas un mot pour les souffrances endurées par tout un peuple. Voilà ce que tu dois dire dans ton journal. Qu'est-ce que tu penses de ça ? »

J'évitai de penser à haute voix et je restai dans le vague.



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